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Le livre des boudous
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16 février 2010

On y était, en effet. Rien, dans cet endroit, ne

 

On y était, en effet. Rien, dans cet endroit, ne parut pourtant suspect à Sikoi. Des arbres aux racines nues plongeant dans la boue, peu de végétation basse, un avantage pour marcher à taille de boudous, pas besoin de zigzaguer entre les herbes… Juste quelques roseaux secs, par-ci par-là… Et justement, derrière ces roseaux-là… Comme une lumière… Bleue… Après un coup d’œil à son ami pour vérifier qu’il regardait bien dans cette direction, Sikoi s’approcha avec précaution… De plus près… C’était rond, lisse, transparent, avec des reflets bleus très clairs. Haut comme un quart de boudou… C’était vraiment très, très bizarre.
« Est-ce qu’on peut toucher ?
- Je ne sais pas, je n’ai pas osé tout à l’heure, répondit Toukou.
- J’essaie ?
- Je ne sais pas… Tu n’as pas peur ?
- C’est si beau… Ca ne peut pas faire de mal !?
- Justement, Mam m’a parlé une fois d’une fleur qui attirait les mouches par sa beauté… Elles restaient collées à ses pétales et finissaient dévorées ! »
Les sourcils de Toukou se fronçaient à se souvenir, il grimaça… Sikoi repoussa l’image d’un geste de la main :
« Les boudous ne sont pas bons au gout !
- Oui, mais peut-être que cette chose l’ignore, ou qu’elle voudra gouter pour vérifier ! Attends je te dis ! »
Mais trop tard, Sikoi s’était approché, et avait posé une main qui ne tremblait pas sur l’objet non identifié. Il l’a retira aussitôt, avec un petit cri.
« C’est chaud ? demanda Toukou, effrayé.
- Nan, c’est juste un peu froid, rigola Sikoi. Je voulais juste voir ta tête ! »
Toukou soupira, exaspéré mais pas étonné qu’il était des mauvaises blagues de son ami. Un seul commentaire :
« T’es nul »
Il se résolut à toucher lui aussi l’étonnante sphère. Elle était transparente, donc, et de cette jolie couleur bleutée semblable à la rivière profonde quand elle est napée de bancs de sable. Il posa sa main. C’était doux, lisse… et un peu froid, comme le disait Sikoi. Logique, puisque ça reposait à même la boue. Ca ne semblait pas vivant. C’était rassurant.
« Qu’est-ce qu’on fait ? On en parle aux autres ? »
Sikoi réfléchit deux secondes :
« Oui. On ne sait pas ce que s’est. Il vaut mieux en parler à La Madâme. »
La Mâdame, c’était la chef des boudous. Elues par tous, elle présidait une assemblée de Grands Sages, et tranchaient quand tout ce beau monde se disputait trop longtemps sans arriver à se mettre d’accord sur un sujet. La Madâme était choisie parce que diplomate toujours. Elle laissait sa place au bout d’un temps bien défini, était parfois réélue et pouvait très bien laisser place à un Môssieur. Mais cette Madâme-là siégeait depuis quelques temps déjà, car les boudous reconnaissaient son autorité et la justesse de ses opinions. Elle était facile d’accès, et même si elle était très occupée chaque boudou savait pouvoir la déranger au moindre problème. Elle remettait sèchement à sa place certains insistants qui exageairaient… Les enfants boudous, eux, l’aimait bien parce qu’elle était drôle et qu’elle ne se prenait pas au sérieux malgré ces hautes fonctions, ce qui ne gâchait rien.
« Tu crois qu’on peut la déranger pour ça, demanda Toukou. Je vais entendre parler du pays si ma mère estime qu’on a dérangé la Madâme pour rien…
- Je ne sais pas. Peut-être pas alors, je ne voudrais pas faire râler Mam Toukou (il appelait toujours comme ça la mère de Toukou, une mâtrone rieuse et sévère qui surveillait son fils comme de l’huile sur le feu). Peut-être qu’il vaut mieux d’abord demander à Guy ? »
Guy était le maitre assistant de Madâme. Toujours très affairé, toujours très sérieux, mais très doux. Les boudous l’aimait bien lui aussi. Ils s’estimaient chanceux pour la plupart d’avoir de tels dirigeants, même s’ils l’avouaient rarement et grognaient souvent, pour la forme.
« Oui, allons voir Guy », décida Sikoi, il saura quoi faire et fera passer le message.
Cette bonne décision prise, ils se tournèrent vers la sphère qui renvoyait la lumière, tranquille, sans ne rien devoir à personne. Comme à regret, Sikoi passa une dernière fois sa main à la surface…
« On revient », dit-il.
Il se sentit aussitôt ridicule. Parler à une sphère !

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