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Touko est un de ces boudous un peu replets, qui peine à grimper aux arbres trop hauts. Sa famille vie dans un saule pleureur, et elle est très bien comme ça. Il faut dire aussi qu’il est beau cet arbre penchée au-dessus de la rivière, et que ses longues branches plongeant vers la surface de l’eau offre de merveilleux toboggans, l’été. Mais il y a peu de saule-pleureur que de peuplier dans le marais que peuplent les boudous, alors Tokou peine à se trouver un arbre à lui, un arbre qui lui correspondrait vraiment. Et comme c’est un enfant très sérieux et exigeant, il cherche, il cherche, pour trouver la perfection. Alors que beaucoup de boudous de son âge emménagent en même temps que Sikoi, Touko cherche toujours l’arbre idéal. Mais ça lui est égal. Il se dit qu’il sera mieux logé ainsi.
Toujours est-il qu’aujourd’hui il a grimpé en quatrième vitesse le peuplier de Sikoi, et le voilà bien essouflé. Ce qui inquiète même son ami, habitué à le voir plus réservé :
« Mais qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi est-ce que tu fais cette tête ? »
Et comme il n’obtenait toujours pas de réponse de la part de son ami hors d’haleine :
« T’es pas fou de te mettre dans un état pareil, on dirait que tu as encore 10 ans ?! »
(Les boudous vivent bien plus vieux que nous, ils sont donc enfants bien plus jeune. Un boudou de 10 ans est encore dans ce que nous, nous nommons la « petite enfance » : il quitte à peine les jupes de sa mère, et quand il le fait c’est pour se jeter à corps perdu dans un jeu très remuant où il teste sa vitesse et sa coordination. Il en revient épuisé et sombre dans le sommeil dès le soir tombé, son pouce dans la bouche et son doudou trèfle contre la joue… Les petits boudous sont bien tous les mêmes…)
N’empêche que pour un boudous de 20 ans comme Toukou, il y avait presque insulte dans la bouche de Sikoi. Il se reprit donc, et réussit à sortir trois mots :
« Trouvé… truc… bizarre…
- Quoi ? dit Sikoi.
- J’ai… trouvé… un truc bizarre… reprit Toukou.
- Et quoi alors ?
- Là-bas dans le marais Belle-rive… Viens voir ! »
Le marais Belle-rive… Les gouts de luxe de Toukou en matière d’arbres ne l’avaient pas amené dans les plus beaux quartiers. Cet endroit, contrairement à ce que son nom indiquait, était boueux, sombre, plein de ronces, assez triste en somme. Il avait dû se perdre en route.
« Mais qu’est-ce que tu faisais là-bas ? demanda justement Sikoi.
- Je me suis perdu. »
Ah. C’est bien ça.
« Je voyais au loin un arbre aux feuilles intéressantes, d’un vert doux et brillant à la fois, continuait Toukou d’un air rêveur, et je n’ai pas vu arriver la limite de Jardin-calme… » Toukou reprit son air surexcité : « Mais il faut que tu viennes voir ça, jamais vu un truc pareil ! »
Sikoi réfléchit. Toukou soulevait une foule de questions ! Le rangement de ses valises pouvait bien attendre, il avait une vie entière pour ça… Il ne cogita pas plus longtemps :
« Dépêche-toi, c’est énorme ! » insistait Toukou.
Il n'en fallait pas plus à Sikoi, qui sauta dans ses bottes et suivi son ami hors du tronc vers les marais ensoleillés.